Les vaches annoncent leurs chaleurs par SMS
Christian Oesch, à peine réveillé, saisit le téléphone portable déposé sur sa table de nuit. Son visage s’illumine en même temps que le petit écran. Ce responsable de l’entreprise agricole bernoise Inforama, à Rütti, a reçu cette nuit trois SMS de Bernadette, un signe certain que sa vache est en chaleur. Le système Anemon de détection des chaleurs a bien fonctionné.
L’éleveur appelle aussitôt l’inséminateur, qui pourra débarquer à temps avec un “taureau” dans sa mallette. C’est que, pour avoir de bonnes chances de réussite, l’insémination doit avoir lieu entre douze et vingt-quatre heures après le début des chaleurs. Sans l’aide d’Anemon, Christian Oesch ne se serait probablement pas aperçu que Bernadette avait ovulé, la vache ne montrant presque aucun changement de comportement. Et il aurait peut-être contacté l’inséminateur au mauvais moment, et donc en pure perte.
“En principe, pendant leurs chaleurs, les vaches bougent plus et se laissent chevaucher par d’autres bovins”, explique Samuel Kohler, vétérinaire et formateur au département sciences agronomiques (Hafl) de la Haute Ecole spécialisée bernoise (Hesb). “Mais, de nos jours, elles produisent de telles quantités de lait qu’elles sécrètent moins d’hormones sexuelles. Et nombre d’entre elles n’extériorisent plus guère leurs chaleurs.” De plus, étant donné le nombre croissant de vaches dans leurs étables et la multiplication de leurs tâches annexes, les éleveurs ont moins de temps qu’autrefois pour observer leur bétail. Selon le vétérinaire, des études ont montré qu’environ la moitié des chaleurs passaient inaperçues. Quand l’agriculteur manque l’occasion, il doit laisser s’écouler un nouveau cycle de trois semaines pour agir, en espérant reconnaître cette fois le jour propice. “Ce retard influence négativement la lactation, poursuit Samuel Kohler. La perte financière annuelle peut atteindre 500 francs [416 euros] par vache.”
Pour conserver une production rentable et leur fertilité, les vaches laitières sont supposées mettre bas chaque année. Comme la gestation dure neuf mois, elles doivent être inséminées avec succès au plus tard trois mois après le vêlage.
Un objectif que soutient Fredy Schori, ingénieur agronome chez Agroscope, à Posieux : “Les bovins de certaines races peinent de plus en plus à se reproduire. Pour assurer l’avenir des cheptels, les éleveurs doivent penser à sélectionner des vaches capables de vêler une fois par année et ne pas uniquement mettre l’accent sur les meilleures productrices de lait.”
Dans cette optique, Fredy Schori reconnaît l’utilité d’un outil électronique simple et efficace pour aider les paysans manquant de temps pour repérer les chaleurs. “Mais il ne faudrait pas en arriver à vouloir les détecter à tout prix chez des individus qui ne les montrent plus du tout. Ces vaches ne devraient plus être choisies pour l’élevage.” Dans l’étable de Rütti, où les bovins sont attachés, le système a reconnu infailliblement les trois fois consécutives où Bernadette a été en chaleur. La vache a été inséminée et a porté au troisième cycle. De même, Anemon a détecté cinq fois les chaleurs de Sarona, qui n’a pas porté après deux inséminations et a fini chez le boucher.
Le système Anemon, en développement depuis 2005, a été testé deux à plusieurs mois sur environ 70 vaches, attachées ou en stabulation libre. Cet hiver, cinq exploitations agricoles ont participé aux tests. “Nous améliorons le système au fur et à mesure des résultats obtenus”, explique Samuel Kohler. Par exemple, la fixation du dispositif au collier de la vache doit être revue. “Dans notre exploitation, une vache en stabulation libre a été si active pendant ses chaleurs qu’elle a perdu l’appareil”, relate Cindy Chassot, de La Tour-de-Trême, dans le canton de Fribourg. En outre, les “alertes chaleurs” n’ont pas fonctionné chaque fois avec la même fiabilité : “Une fois, chez Pistache, par exemple, je n’ai reçu que l’alerte due à l’élévation de la température. Chez une autre vache, qui était visiblement en chaleur, aucune alerte n’est arrivée.” Reto Spörri, du centre argovien de recherches et de formation agricole Liebegg, fait part d’expériences semblables après des séries de tests effectués avec six dispositifs. “Certaines fois, les alarmes ne sont pas arrivées, ou alors avec du retard. A d’autres reprises, tout a parfaitement fonctionné. Certains réglages doivent encore être affinés. Après, le système sera prêt pour la pratique.”
(Sylviane Blum, Le Temps, Genève)
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