Le premier barbecue remonte au moins à un million d’années
- 11 avril 2012 |
Cette découverte fait remonter de 200.000 ans l’époque présumée à laquelle nos ancêtres ont maîtrisé le feu. Des travaux antérieurs ont mis en évidence des traces de foyers datant de 1,5 million d’années, mais ils ne font pas consensus dans la communauté scientifique, parce qu’il est très difficile de distinguer entre les restes d’un feu naturel et ceux qui résultent d’une activité humaine.
Jusqu’à présent, une majorité de spécialistes considéraient que le plus ancien feu de camp avait réchauffé le site israélien de Gesher Benot Ya’akov, dans la vallée du Jourdain, il y a un peu moins de 800.000 ans. Et il subsistait un doute, car il s’agit d’un site en plein air, de sorte qu’on ne peut exclure totalement l’hypothèse d’un incendie spontané.
Avant les recherches de Francesco Berna, la seule date fermement établie d’un usage régulier du feu par des hommes anciens était 400.000 ans avant notre ère. A cette époque, on a trouvé des traces sans ambiguïté d’un foyer d’origine humaine dans la grotte de Qesem, également en Israël. Or, Homo Erectus, le premier homininé très proche de notre espèce, est beaucoup plus ancien. Il remonte à 1,9 million d’années.
Le fait qu’Homo Erectus dormait à même le sol et non pas dans les arbres donne à penser qu’il avait commencé à allumer des feux de camp pour éloigner les prédateurs. Et selon l’anthropologue Richard Wrangham, l’anatomie d’Homo Erectus, qui possédait des molaires relativement petites, suggère qu’il bénéficiait d’un régime fait d’aliments relativement faciles à mâcher et riches en énergie, ce qui suppose qu’il cuisait sa nourriture.
Mais le fossé entre les 400.000 ans du premier feu attesté et les près de 2 millions d’années d’Erectus affaiblissait la thèse de Wrangham. Francesco Berna et ses collègues viennent de réaliser un bond dans le passé et de combler une grande partie de ce fossé. Ils ont recouru à une technique de micro-spectroscopie infrarouge pour analyser des échantillons prélevés dans la grotte de Wonderwerk. Ce procédé a permis d’analyser la composition moléculaire et la structure fine de minuscules particules prélevées dans une couche datée avec certitude d’un bon million d’années.
Francesco Berna a ainsi pu mettre en évidence des fragments d’os présentant des angles aigus, ainsi que des cendres de plantes bien conservées. Ces micro-vestiges n’ont pas pu être déposés dans la grotte par le vent ou la pluie : ils auraient été érodés et leurs formes auraient été plus altérées. Ils ont donc été brûlés sur place. De plus, l’analyse permet également d’exclure que les échantillons soient issus du guano produit par des chauves-souris ayant séjourné dans la grotte. Les restes d’os ont été chauffés à une température entre 450 et 700 °C, celle d’un petit feu de camp, idéal pour faire des grillades.
«Avant cette découverte, je ne pensais pas que les humains aient fait du feu aussi tôt, mais il n’y a pas d’autre explication », résume Berna dans la revue Science.
Voilà qui relance l’hypothèse de Richard Wrangham selon laquelle la cuisson a joué un rôle décisif dans l’histoire de l’hominisation. Car pour l’anthropologue britannique, le propre de notre espèce n’est ni le rire, ni le langage, ni l’usage des outils, mais la cuisine ! Le fait est qu’aucune autre espèce, même nos plus proches parents primates, ne fait cuire ses aliments. Wrangham a défendu l’idée que l’homme serait un “singe cuisinier” dans un livre paru en 2009 et intitulé Catching fire: how cooking made us human (Contrôler le feu : comment la cuisine nous a fait humains).
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