jeudi 20 septembre 2012

éthique : un bébé à 3 parents

L'Angleterre s'interroge sur le «bébé à 3 parents»

Le Figaro.fr
20-09-2012

Un débat éthique est lancé en Grande-Bretagne sur la création d'embryons à partir de trois personnes, pour éviter la transmission de maladies graves.
«Trois personnes, un bébé»: les titres dans les médias britanniques avaient lundi un goût de science-fiction. Londres vient de lancer une consultation nationale pour sonder l'opinion sur une thérapie génique qui permettrait à des couples dont la mère risque de transmettre une maladie mitochondriale grave, à l'origine de troubles musculaires ou de problèmes cardiaques, d'avoir un bébé sain. Or cette technique aboutit à la fécondation in vitro d'un embryon présentant un patrimoine génétique issu de trois personnes différentes - le père, la mère et une donneuse d'ovocyte nécessaire pour éliminer le risque de transmission des gènes défaillants. Ce triple héritage serait une première chez l'homme.
La technique mise en œuvre n'est pas nouvelle mais elle n'était appliquée jusqu'à présent qu'aux animaux. Elle consiste à «fabriquer» un ovocyte sain en transférant le noyau de l'ovocyte de la mère (où sont réunis les chromosomes, siège du patrimoine génétique) dans l'ovocyte sain de la donneuse, préalablement vidé de son noyau. Les chromosomes de la mère acquièrent ainsi une nouvelle enveloppe, le cytoplasme, doté des mitochondries saines. Or ces mitochondries contiennent elles-mêmes de l'ADN: c'est ainsi qu'une petite partie du patrimoine génétique de la donneuse se transmet à l'enfant.
Une autre variante consiste à procéder de la même manière, mais avec deux embryons juste après fécondation.

Des risques inconnus

Cette technique de transfert reste expérimentale et par conséquent pleine d'incertitudes, rappelle le Pr Royère, directeur procréation, génétique et embryologie humaines à l'Agence de la biomédecine en France. «Le risque est que la manipulation induise chez l'embryon de nouvelles pathologies ou anomalies, alors qu'on cherchait au contraire à obtenir un bébé sain. La technique s'apparente en effet au transfert de noyau réalisé lors du clonage d'animaux domestiques - même s'il ne s'agit pas ici d'un clonage, évidemment. Toutefois, ces précédents sur les animaux ont montré qu'il était impossible de prévoir les aléas induits par cette manipulation sur l'ovocyte. On ne connaît pas les conséquences sur la santé future d'un enfant.»
En revanche, il n'est pas à craindre que l'enfant présente une ressemblance morphologique avec la donneuse. «L'ADN des mitochondries sert essentiellement à la synthèse de protéines impliquées dans la production d'énergie», rappelle Vincent Galy, chercheur spécialiste des mitochondries au CNRS.

D'autres méthodes disponibles

Au Royaume-Uni, la méthode n'est pour l'instant autorisée qu'en laboratoire, à des fins de recherche. Même en cas de feu vert des autorités - la consultation du public prendra fin le 7 décembre, avant présentation éventuelle d'un projet de loi au printemps -, la finalisation de la technique par les chercheurs ne devrait pas aboutir à l'implantation d'embryons ainsi modifiés avant au moins trois à cinq ans.
«Il s'agit ici de modifier génétiquement un ovule: on entre en territoire inconnu», a commenté le Pr Lisa Jardine, présidente de la Human Fertilisation and Embryology Authority, à l'initiative de la consultation. Outre l'innocuité de la méthode, d'autres questions éthiques vont être abordées: que dire aux enfants nés de cette manière? Comment les parents vont-ils gérer la situation émotionnellement? Quel statut devra être accordé à la donneuse?
En France, le débat n'est pas à l'ordre du jour, assurent les experts. «La question qui se pose ici, c'est comment répond-on au désir légitime d'enfant d'un couple qui pourrait transmettre une maladie génétique rare?, explique le Pr Samir Hamamah, chef du service de biologie de la reproduction au CHU de Montpellier. À l'heure actuelle, en France, nous disposons d'autres techniques efficaces et beaucoup plus sûres: le don d'ovocyte, qui sera fécondé par le père, ou le diagnostic pré-implantatoire qui permet d'identifier la pathologie au tout début du développement de l'embryon et donc de n'implanter que les sains.»


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